Article du 9 avril 2014 Boris Daniloff: HORS CADRE
Entrer dans l'atelier de l'artiste c'est entrer, sans transition dans l'espace de l'œuvre. Partout des toiles de grands ou très grands formats, sans cadres ni châssis: les gens que je peins n'ont pas de cadre alors mes toiles n'en ont pas non plus explique l'artiste. Elles sont suspendues sur plusieurs rangs comme sur les cintres d'un théâtre. Cette comparaison n'est pas anodine. Car le théâtre et l'opéra ont marqué son parcours et certainement influencé sa pratique artistique D'abord dans son enfance parisienne durant laquelle sa marraine, habilleuse pour le théâtre et notamment pour Louis Jouvet, lui fait découvrir et fréquenter régulièrement l'Athénée et de grands opéras (Depuis il ne travaille qu'en compagnie des grands airs classiques). Plus tard, les quelques années travaillées à l'opéra d'Avignon achèveront d'ancrer en l'homme l'univers de la scène.
Doué d'un bon coup de crayon, Boris Daniloff a d'abord suivi des études de dessinateur publicitaire: Dans les années soixante, c'était la voie royale. L'illusion régnait que le bonheur était dans la consommation. L'artiste comprendra vite que sa voie était ailleurs et se lancera dans la peinture et la sculpture. Cette passion dévorante ne le quittera plus. Cette influence du théâtre est bien présente dans sa peinture, autant dans les formats que dans la mise en scène des personnages et des œuvres.
Artiste engagé Boris Daniloff considère la peinture comme un entonnoir des émotions et un moyen de participer à la société. Plus qu'un discours, l'artiste souhaite exprimer un questionnement: Je ne prétends pas apporter des réponses au monde, ma peinture est un espace de réflexion et de questionnement... la toile n'est pas la vérité en soi, j'écris dessus comme on fait un graffiti, en signe de transgression. Témoignages attentifs sur la société, ses peintures foisonnent de personnages réalistes ou caricaturaux, avec un langage pictural comportant des textes, des éléments de typographie, des codes de la publicité et des graffitis mais également une symbologie propre à l'artiste, ainsi que de nombreuses références à l'art classique et religieux.
Casa fait sa scène!
Pour l'artiste, la peinture est toujours une question de rencontre; c'est également un moyen d'agir contre l'indifférence et l'inégalité. Son dernier travail est une immense toile qui couvre les trois murs de l'atelier et une partie du sol. Sur la longue frise évoluent des personnes réelles, en grande difficulté, rencontrées par l'intermédiaire de CASA (collectif action sans abri). Dans ma peinture, je veux montrer ces personnes qu'on ne regarde pas, qu'on ne voit plus...montrer qu'ils existent. Complètement immergé dans cette scène/ espace, le spectateur n'est pas en opposition frontale à une toile mais au cœur même de l'œuvre.
Cette toile étonnante est maintenant achevée: elle a été installée dans locaux de CASA durant quelques jours, afin que chacune des personnes représentées puisse y ajouter des textes; J'ai pris leur image dans ma peinture mais je veux leur rendre la parole.
Aurélie Narcisi