Pour cette exposition organisée et mise en scène par le Conseil Général de Vaucluse, le propos est clair : associer des artistes contemporains au musée d'histoire Jean Garcin de Fontaine de Vaucluse, consacré à la seconde guerre mondiale et à la Résistance, y compris à travers une très belle salle dédiée aux engagements des artistes avant et après la guerre. Propos judicieux, car on le sait l'art contemporain est né sur les ruines de l'après guerre.
Affiche de Didier Tallagran, reproduite partiellement ici
La mise en espace, audacieuse par l'intégration des œuvres, une immersion dans les collections du musée, obligeait à un engagement des artistes sur un sujet particulièrement difficile, et pourtant fondamental. Comment répondre ?
Évoquer l'horreur, l'absurdité de la guerre, celle d'hier et celle d'aujourd'hui ? Les soldats fondus de Pascal Bernier, répondent aux propos de Fiona Banner, de Gérard Gasiorowski, du collectif LPLT, de Robert Morris et de Didier Talagran. L'évocation des êtres disparus avec Christian Boltanski , Jean Marc Cerino, ou Sophie Ristelhueber. La guerre dans l'inconscient de l'homme à travers les vidéos de Pascal Convert ou de Zad Moultaka et Yalda Younès, dont la danse décalque la violence.
Dans sa série « Stille Nacht » Jean-Sylvain Bieth s'inspire des dessins d'enfants du camp ghetto de Terezin et les papillons de Pascal Bernier font penser à ceux dessinés sur les parois des chambres à gaz. Mais il ne s'agit pas de commémoration, ni d'un travail d'histoire, plus de la recherche de l'humanité. C'est la même recherche dans le travail de Pablo Garcia, sur les camps, emblématiques, les révisionnistes ne s'y sont pas trompés.
Carole Challeau, à travers ses recherches personnelles sur le cabinet de curiosité, propose, avec l'intrusion d'objets du passé, on ne peut plus humains, dans l'art contemporain, de faire remonter ainsi la mémoire et les émotions liées à ces objets. Intégrés aux vitrines présentant la vie quotidienne sous l'occupation, ils nous renvoient à la peur viscérale que tous nous pouvons ressentir pour la guerre, mais aussi au pouvoir de dire non, comme le suggère son « armée des ombres ». C'est bien à ce simple pouvoir « de dire non », à celui de l'artiste de dénoncer, qu'est consacrée la dernière salle. Pouvoir de l'écriture, des mots, de l'image, démontré aussi par les vitrines consacrées à la propagande.
C'est aussi pour exalter ce devoir de résistance, que Pablo Garcia a choisi justement la Commune de Paris pour l'œuvre destinée à la façade du musée.
Aller au delà du simple devoir de mémoire et s'interroger sur la parole de l'artiste aujourd'hui, plus qu'un simple témoignage, un regard qui dérange et questionne.
Il reste pourtant plusieurs questions. Tout d'abord, peut-on esthétiser l'horreur ? Certains des artistes présents dans cette exposition apportent leur réponse.
Peut-on vraiment assimiler, comme le fait Alexandre Nicolas, Hitler à Spiderman, ou l'inverse ? Peut-on considérer Hitler comme un héros du monde contemporain ? Le propos de l'artiste n'est certes pas simpliste et il s'agit bien de choix fondamental, de choix de valeurs. Certes, mais il ne faudrait pas minimiser l'étendue de l'idéologie nazie en l'assimilant à d'autres, plus dérisoires.
FRLD
Musée d'histoire Jean Garcin : 39-45 L'Appel de la Liberté
84 - Fontaine de Vaucluse
Jusqu'au 4 octobre 2010
"Que Nuages" - "But the clouds" d'après un poème de Wilian Butler Yeats de 1926, repris par Samuel Beckett pour sa pièce "But the Clouds" en 1977.