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9 mars 2016 3 09 /03 /mars /2016 16:26

Dans le cadre de l'exposition "Traces", Jean-Michel Pancin donnera une conférence le jeudi 10 mars, à 18H, à l'espace St Louis.

Le 9 juillet 2013, Jean-Michel Pancin nous a ouvert les portes de la prison Ste Anne à Avignon, fermée en 2003.

 

 

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Ce plasticien avignonnais a formé le projet d’explorer, à sa manière, ce lieu carcéral désaffecté en l’abordant par des prises de vue puis, au fur et à mesure de son immersion, il a effectué des collectes d’objets (pelotes), des vidéos (avec la collaboration d’anciens détenus), des déposes de peintures murales (beaucoup de nus), des sauvegardes de dessins (sur 6 portes de cellules prélevées), des frottages de graffitis gravés (cœurs) et des relevés de « slogans » : « la connerie c’est la décontraction de l’intelligence » 

 

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 L’ exploration de JM Pancin a duré 8 mois dans ce monde clos et abandonné aux animaux, aux végétaux , éventré par des trous de sondages : JM Pancin constate à chaque visite la dégradation de ce lieu à l’architecture imposante. 

 

 

Dans ce contexte, son travail est une opération de sauvetage, il tient de l’engagement, humain et financier et témoigne, bien sûr, d’un lieu de mémoire « chargé » où éclats de lumière et de violence sautent aux yeux, crûment, mais au regard « ethnographique » s’ajoute une démarche artistique.

 

 

 

 

 

Dans la cellule 115, JM Pancin a installé son atelier-laboratoire : bocaux de résine, gaze et toile de jute nécessaires à la dépose - patiente et souvent risquée - des peintures murales, anonymes, souvent collectives et pouvant atteindre 30m2.

La technique du « strappo » utilisée en restauration a dû être adaptée en conséquence.

 

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JM Pancin s’applique à récupérer les fresques en l’état, sans restauration postérieure pour une restitution authentique : il archive des reliques symboliques, toute une mythologie pénitentiaire..

 

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  En parcourant le dédale de la prison : cours tendues de filets et de barbelés, longs couloirs entre ombre et lumière, cellules peintes en bleu azur ou rose laiteux, autant de lieux de vie et de péril propices à l’objectif photographique, JM Pancin nous livre ses réflexions sur le processus de création en prison : « l’enfermement génère des besoins d’images et d’évasion », ( outre les peintures, certaines cellules sont tapissées de photos de magazines…), « sauf exceptions, la prison déconstruit et la création permet de se reconstruire, autrement, » le processus de création existe ici en réaction à une agression, une privation et ne découle pas « d’un projet de création plastique à part entière », tel qu’un plasticien peut le concevoir.

 

 

   

L’intérêt des dessins et peintures des détenus  «réside surtout dans la charge émotionnelle »  qui s’en dégage plus que dans la valeur artistique intrinsèque.

En complément de son implication sur le terrain, JM Pancin a participé à des débats sur la place de la création en prison, entre autres avec le critique d’art Paul Ardenne .

 

 

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Une partie de la fresque de la salle commune

 

JM Pancin avoue que cette expérience dans le silence de l’ univers carcéral a fortement impacté sa vie et changé sa vision de la société, il fait référence à Jean Genêt et aux théories de Foucault sur la réalité de la logique carcérale. L’ inventaire « archéo-plastique » réalisé in situ méritait de laisser des traces et des expositions y ont fait suite : en 2011 au Salon de Montrouge, en 2012 aux Abattoirs, à Toulouse et en mai 2013 au Palais de Tokyo à Paris . La scénographie originale de l’exposition présentée à Paris reproduisait le « décor » d’origine de la prison grâce au transport de six lourdes et sonores portes des cellules sur place, dans l’axe du judas de la porte, les peintures murales déposées étaient accrochées sur un mur et visibles dans une « juste » lumière, autrement dit avec les mots de l’artiste : « J’ai transposé ces fragments sur des plaques d’aluminium montées sur châssis afin de garder mobile et libre cette mémoire que j’ai laborieusement libérée des murs de la prison »

 

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 De notre plongée dans ce monde de l’autarcie partagée à sa restitution plurielle par un plasticien polymorphe, nous tirons une conclusion évidente : une exposition de Jean-Michel Pancin sur sa ville et dans sa ville va doublement de soi .

 

Texte : Corinne Roux

Photographies : Françoise Dumon 

 

PS, plusieurs de ces peintures murales ont été exposées au Palais de Tokyo, à Paris, du 19 avril au 20 mai 2013, sous forme d'installation :

http://www.palaisdetokyo.com/fr/exposition/modules-fondation-pierre-berge-yves-saint-laurent/jean-michel-pancin

 

En parallèle à cet article, vous pouvez voir un diaporama de la prison sur mon blog :

 

http://avignon-etats-lieux.blogspot.fr/2013/07/requiem-pour-la-prison-sainte-anne.html

FD

 

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